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Kristina Hooper | 18 mai 2022

Est-ce que tout se déroule comme prévu?

Kristina Hooper nous dit dans quelle mesure la Fed semble progresser vers certains de ses objectifs et quels enjeux sont hors de portée des interventions des banques centrales.

Ce fut une autre semaine de fou pour les actifs; les principaux indices boursiers et les prix de nombreux autres éléments d’actif ont clôturé en baisse. Cela m’a rappelé une mémorable escapade routière en famille que nous avons fait quand j’avais neuf ans; mon père avait eu l’idée ambitieuse d’aller en vacances en Floride depuis New York dans une voiture neuve qu’il venait d’acheter.

Au cours du voyage, j’ai vomi sur le siège arrière quelque part en campagne en Virginie (et mon père a refusé de s’arrêter parce qu’il ne voulait pas « prendre de retard sur son horaire ») et ma mère a laissé les clés dans la voiture alors que les portières étaient verrouillées. Nous avons dû attendre plusieurs heures pour que « l’assistance routière » (version 1979) arrive à la rescousse. Nous avons aussi dû dormir dans la voiture à Orlando la première nuit parce que mon père pensait que ce serait facile de se présenter à Disney World et d’avoir une chambre d’hôtel sans réservation. En plus, j’ai lu le livre « Jaws » en chemin et ce récit m’a suffisamment effrayée pour que je refuse d’aller à la plage tout le temps que nous étions en Floride. Je me souviens avoir entendu mon père dire plus d’une fois pendant le voyage que « tout se passe à peu près comme prévu ». Et il disait ça sans rire; il croyait vraiment que le voyage se déroulait bien.

J’ai repensé à ses paroles ces dernières semaines alors que nous assistions au repli des catégories d’actifs et je me demandais si les dirigeants des banques centrales, en particulier ceux de la Réserve fédérale américaine (Fed), pensaient que tout se passait à peu près comme prévu. Bien que cela puisse paraître étrange venant de moi, je crois que ces derniers mois, la Fed a vraiment constaté des progrès vers l’atteinte de son objectif, qui consiste à ralentir l’économie :

Resserrement des conditions financières

Après une très légère hausse de taux, la Fed (et d’autres grandes banques centrales) ont resserré les conditions financières; le discours des banques centrales a été un outil très efficace. J’ai mentionné les taux hypothécaires américains dans mon blogue de la semaine dernière, mais cela va bien au-delà. Les conditions financières à l’échelle mondiale se sont resserrées depuis que les grandes banques centrales ont commencé à délaisser leur politique monétaire ultra-accommodante au cours des derniers mois.

Il y a moins d’excès sur les marchés des capitaux

La hausse des taux a dégonflé les cours de nombreux éléments d’actif. Les marchés boursiers mondiaux sont en mode réévaluation. Autrement dit, les marchés sont en train de recalibrer la valeur des actions compte tenu de l’anticipation d’un resserrement marqué des politiques monétaires des banques centrales. C’est un processus normal qui se produit habituellement au début de chaque cycle de hausse des taux, lorsque les marchés s’adaptent à des taux plus élevés. En fait, ce ne sont pas seulement les actions qui sont réévaluées; toutes les catégories d’actifs traversent une sorte de période de réévaluation/digestion au début du cycle de resserrement de la Fed et d’autres grandes banques centrales des pays développés. Les marchés des titres à revenu fixe ont également subi des pertes importantes par suite de la hausse rapide des taux.

Le même phénomène touche les cryptomonnaies. Elles sont souvent considérées comme étant faiblement corrélées aux actions et aux obligations, ce qui procure une diversification. Certains ont même présumé que les cryptomonnaies, comme le bitcoin, pourraient offrir une bonne protection contre l’inflation. Cependant, comme leur capitalisation boursière et leur popularité ont augmenté ces dernières années, les cryptomonnaies sont devenues des actifs « comme les autres » et beaucoup se comportent un peu comme les catégories d’actifs traditionnelles. C’est particulièrement le cas lorsqu’un resserrement s’amorce. Récemment, les cryptomonnaies se sont comportées davantage comme les actions technologiques spéculatives, les deux ayant chuté considérablement ces derniers mois, et la tendance pourrait se poursuivre à court terme, tandis que la réévaluation se poursuit.

Nous avons également assisté à des replis et à des perturbations sur le marché des cryptomonnaies stables. Les cryptomonnaies stables se différencient des cryptomonnaies traditionnelles telles que le bitcoin du fait qu’elles sont destinées à avoir un prix stable et à être utilisées comme une devise alternative, plutôt que comme un placement spéculatif (beaucoup de ces cryptomonnaies sont adossées à des actifs afin qu’elles puissent maintenir un prix stable). Par exemple, Tether, cryptomonnaie adossée au dollar américain, a fait l’objet de liquidations et a brièvement perdu son ancrage. TerraUSD, autre cryptomonnaie stable qui n’est pas adossée au dollar américain, mais qui est plutôt « autorégulée », a fait l’objet d’encore plus de liquidations la semaine dernière et sa valeur a fait une chute spectaculaire. Bien que ce genre de perturbations ne soit pas idéal, je dirais que cela fait partie intégrante de ce qui se passe lorsque les banques centrales retirent des liquidités du système. Et plus les investisseurs s’attendent à un resserrement marqué, plus il risque d’y avoir des perturbations à court terme.

Les pressions à la baisse sur les prix des actifs découragent la prise de risques excessifs et peuvent réduire la valeur nette des ménages. Une réduction de la richesse perçue – « l’effet de richesse » – peut aussi contribuer à refroidir la demande et, par le fait même, à faire baisser l’inflation.

Baisse du revenu réel

Les salaires réels ont fortement chuté dans les grandes économies occidentales en raison de la hausse de l’inflation, et ce, malgré la pénurie de main-d’œuvre et la hausse des salaires nominaux.1

Les salaires réels aux États-Unis ont baissé de manière significative, malgré la grave pénurie de main-d’œuvre et l’augmentation rapide des salaires nominaux.1 Bien que cela ne soit pas directement lié aux banques centrales, le revenu réel a sans doute chuté parce que la Fed et les autres banques centrales n’ont pas amorcé leur resserrement assez rapidement. Cependant, la bonne nouvelle est que la baisse du revenu réel devrait entraîner une diminution de la demande, ce qui devrait aider les banques centrales à contenir inflation.

Enjeux que les banques centrales ne peuvent pas résoudre

La Fed élimine l’excès des marchés des capitaux et provoque un ralentissement de l’économie mais parviendra-t-elle à ramener l’inflation à sa cible de 2 %, qui est sa cible ultime? Pas de sitôt, si vous voulez mon avis, d’autant plus qu’il y a deux enjeux clés que la politique monétaire ne peut pas résoudre.

Le conflit entre la Russie et l’Ukraine

Le conflit entre la Russie et l’Ukraine maintient les prix de l’énergie élevés et perturbe les chaînes d’approvisionnement, et le plus horrible dans tout ça, c’est qu’il risque de provoquer une crise de la faim dans le monde. Comme les banques centrales ne peuvent tout simplement pas résoudre cet enjeu, nous ne pouvons qu’espérer une résolution rapide à ce conflit.

Les mesures de confinement liées à la COVID en Chine

Les banques centrales ne peuvent pas non plus résoudre la situation de la COVID en Chine. Les mesures de confinement liées à la COVID ont exacerbé les pressions inflationnistes, perturbé les chaînes d’approvisionnement et ralenti la croissance. Prenons par exemple les données les plus récentes sur les ventes au détail et la production industrielle de la Chine. Malgré tout, je suis en fait très encouragée par les récents développements. Le nombre de cas d’infection à la COVID à Shanghai a chuté de façon spectaculaire et la Chine a annoncé son intention de relâcher les rigoureuses mesures sanitaires anti-COVID. Le nombre de cas de transmission communautaire est désormais presque nul à Shanghai. Cela nous indique que le variant Omicron se déplace relativement rapidement dans les villes chinoises, comme ce fut le cas dans d’autres pays. Cela étant dit, la Chine n’est pas tirée d’affaire, car Beijing risque de devoir imposer des mesures de confinement. Cependant, je crois que la tendance que nous observons est de bon augure pour l’économie chinoise pendant la deuxième moitié de 2022.

Un défi important pour les banques centrales en raison de l’impact régional de la crise qui oppose la Russie et l’Ukraine et de la politique de zéro cas de COVID de la Chine est que les prix des produits de base pourraient rester élevés, même si l’inflation ralentit et que la croissance est restreinte. À court terme, cela aggrave le problème de l’inflation mais, à moyen terme, si les prix des produits de base restent élevés même après le ralentissement de l’inflation, cela pourrait poser des problèmes de croissance pour les marchés émergents et pour l’Europe en particulier, mais moins pour les États-Unis, qui sont un pays exportateur d’énergie et de denrées alimentaires.

La semaine dernière, le président du conseil de la Fed, Jay Powell, a admis que la Fed ne pouvait pas garantir un atterrissage en douceur (espérons que cela n’a surpris personne). Après un démarrage tardif, la Fed fait maintenant sa part pour ralentir l’économie, tout comme les autres banques centrales. Malgré l’admission de M. Powell, je crois qu’un atterrissage en douceur est possible; il se peut qu’il ne se déroule pas exactement comme prévu, mais c’est possible malgré certains obstacles majeurs.

Où se situe le creux du marché?

Alors, à la lumière de ce qui précède, avons-nous déjà passé le creux du marché? Comment saurons-nous si c’est le cas?

Ce processus de réévaluation va créer beaucoup de turbulences. Rappelons que nous bénéficions d’une conjoncture de politique monétaire extraordinairement accommodante depuis près de 15 ans. C’est devenu comme le lait maternel, donc le processus de sevrage ne sera pas facile, comme nous pouvons déjà le constater.

Je n’ai pas de boule de cristal, mais je crois que nous sommes beaucoup plus proches du creux que du sommet. Ce que je sais, c’est qu’historiquement, chaque repli marqué a établi une base à partir de laquelle les cours boursiers se sont redressés pour atteindre de nouveaux sommets.

S’en tenir à un plan

En rétrospective, notre voyage de fous à Disney World ne s’est pas entièrement déroulé comme prévu. Mais nous nous sommes rendus en Floride et en sommes revenus sans que rien de vraiment terrible ne se produise, alors peut-être que mon père avait raison. En fin de compte, cela me rappelle que le seul « plan » sur lequel nous pouvons compter est un plan d’investissement, un plan qui prend en considération le risque de ralentissement du marché en incorporant, entre autres, une large diversification, des placements à long terme et des rééquilibrages réguliers.

Rédigé en collaboration avec Arnab Das et Ashley Oerth.

1 Sources : Bloomberg, Macrobond et Invesco. Les économies occidentales font référence aux statistiques économiques des États-Unis jusqu’en avril 2022, du Royaume-Uni jusqu’en février 2022 et de l’Allemagne jusqu’en décembre 2021

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Image d’en-tête du blogue : Adam Parent / Getty

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Le revenu réel diffère du revenu nominal, lequel n’est pas rajusté.

Les opinions exprimées ci-dessus sont celles de l’auteure au 17 mai 2022. Ces commentaires ne doivent pas être interprétés comme des recommandations, mais comme une illustration des grands thèmes. Les énoncés prospectifs ne sont pas garants du rendement futur. Ils comportent des risques et des incertitudes et sont fondés sur des hypothèses; nous ne pouvons pas vous garantir que les résultats réels ne différeront pas considérablement de nos attentes.