Impact macroéconomique
La propagation du coronavirus dans le monde s’est poursuivie sans relâche ces dernières semaines. La combinaison de « statu quo » en Europe et aux États-Unis et de tests limités a exacerbé le problème et accru l’incertitude concernant l’étendue de l’épidémie et son évolution. Comme les autorités monétaires ont pris des mesures plus énergiques pour freiner la propagation du virus, la croissance mondiale va probablement ralentir considérablement. Étant donné que l’épidémie a pris de l’ampleur, les investisseurs ont forcément escompté un impact plus marqué sur la croissance pendant une plus longue période.
Invesco Fixed Income s’attend à ce que le taux de croissance des États-Unis et de l’Europe au premier trimestre soit inférieur aux attentes et à un taux de croissance fortement négatif au deuxième trimestre, puisque ces économies sont frappées par la peur et l’impact des mesures mises en place pour contenir le virus. L’évolution de la situation demeure très incertaine, ce qui cause du tort aux marchés.
La Chine nous sert de modèle et nous donne une idée de ce qui nous attend. Le pays a adopté des mesures énergiques pour contrôler le virus et cela a causé énormément de tort à l’économie au premier trimestre. La Chine est parvenue à maîtriser l’épidémie et les citoyens ont amorcé le retour au travail. Le processus de retour au travail a commencé après que le nombre de cas d’infection quotidienne a plafonné. Le nombre de cas d’infection ne cesse d’augmenter aux États-Unis et en Europe et il faudra probablement un certain temps pour que l’épidémie plafonne dans ces régions. Ce sont l’impact sur la croissance et l’incertitude entourant la propagation du virus qui sont à l’origine des fluctuations boursières.
Il est très important de préciser que nous sommes persuadés qu’il s’agit d’une correction liée aux caractéristiques fondamentales, ce qui n’a rien à voir avec une crise financière. La situation ne reviendra probablement pas à la normale avant un certain temps, mais nous allons suivre de près l’évolution de l’épidémie aux États-Unis et en Europe. Les crises provoquées par les conditions financières, comme celle du quatrième trimestre de 2018 et la crise financière mondiale, peuvent être résolues rapidement par l’intervention des banques centrales. Dans le cas des crises liées aux caractéristiques fondamentales, les banques centrales ne peuvent que les améliorer, pas les résoudre. Par conséquent, nous anticipons un redressement en U plutôt qu’en V.
Nous nous attendons à ce que les actifs à risque demeurent volatils et à ce que les marchés n’atteignent pas le creux de la vague avant un certain temps. Les taux d’intérêt américains amortissent le choc, mais les cours obligataires ne peuvent pas augmenter beaucoup plus car, à notre avis, la Réserve fédérale américaine (Fed) n’a pas l’intention d’instaurer des taux d’intérêt négatifs. La Fed va probablement ramener les taux d’intérêt près de zéro, mais nous croyons que la courbe des taux va maintenir une pente positive. La baisse des taux d’intérêt américains va probablement éroder l’avantage de taux d’intérêt du dollar américain par rapport aux devises des autres marchés développés, ce qui risque d’entraîner une dépréciation du billet vert par rapport aux devises des autres marchés développés.
Impact sur le secteur de l’énergie
Comme un malheur n’arrive jamais seul, l’impact du coronavirus a été amplifié par les agissements de l’OPEP, qui ont provoqué une chute spectaculaire des prix du pétrole. L’incapacité de l’OPEP et des principaux producteurs de pétrole non membres de l’OPEP, notamment la Russie, à coordonner la diminution de la production et les augmentations de production subséquentes de l’Arabie saoudite ont précipité la chute des prix du pétrole au moment même où les craintes de propagation du coronavirus se sont accentuées. Nous prévoyons une forte baisse de la demande de pétrole sur douze mois au premier trimestre de 2020 parce que l’offre excédentaire devrait continuer d’exercer des pressions à la baisse sur les prix du pétrole.
Le pétrole à 30 $US le baril fait mal à la plupart des producteurs nationaux et la durée de la faiblesse des prix du pétrole est une préoccupation majeure pour leurs créanciers. En ce moment, de nombreux producteurs bénéficient d’un très bon profil de liquidité, mais si le pétrole demeure à 30 $US le baril pendant une période prolongée, cela pourrait rapidement entraîner un épuisement des liquidités, ce qui ferait augmenter le risque de crédit dans l’ensemble du secteur.
Comme on pouvait le prévoir, les marchés ont réagi très négativement à l’annonce de la chute vertigineuse des prix du pétrole. L’écart de taux des obligations de qualité de sociétés américaines d’exploration et de production (E&P), c’est-à-dire la différence entre le taux des bons du Trésor américain et celui des titres autres que ceux du Trésor américain ayant une échéance similaire, a augmenté de 311 points de base, soit un rendement nettement inférieur à l’indice Bloomberg Barclays U.S. Credit (augmentation de l’écart de 36 points de base) et à l’indice Bloomberg Barclays U.S. Midstream (augmentation de l’écart de 116 points de base).1 En comparaison, la variation hebdomadaire moyenne de l’écart de l’indice Bloomberg Barclays U.S. E&P Credit et de l’indice Bloomberg Barclays U.S. Credit s’établit à 7 et 3 points de base, respectivement, sur les dix dernières années.2 Dans un contexte de recrudescence de volatilité du marché et du secteur, l’écart acheteur-vendeur (la différence entre le cours le plus élevé qu’un acheteur est disposé à payer pour un titre et le plus bas cours qu’un vendeur est disposé à accepter) a lui aussi augmenté considérablement. Par exemple, l’obligation très bien cotée d’Exxon portant intérêt à 2,44 % et échéant en 2029 affichait un écart acheteur-vendeur de 15 points de base le 12 mars, comparativement à 5 points de base le 4 mars, une augmentation de 200 %.3 Sans un soutien concerté de l’offre de l’OPEP et de la Russie et compte tenu des pressions à la baisse exercées sur la demande de pétrole, nous prévoyons que les cours des obligations énergétiques vont demeurer très volatils en raison de l’incertitude à court terme.
Perspectives du secteur de l’énergie
L’incertitude entourant la durée de la faiblesse des prix du pétrole demeure l’une des grandes préoccupations des investisseurs sur le marché des obligations énergétiques américaines de qualité. Évidemment, nous surveillons activement l’impact de cette situation sur les caractéristiques fondamentales des entreprises, mais nous suivons également le profil de liquidité des sociétés énergétiques. Nous nous attendons à ce que les agences d’évaluation du crédit annoncent sous peu des baisses de notation dans les sous-secteurs de l’énergie après avoir révisé à la baisse leurs hypothèses de prix du pétrole. Même si les caractéristiques fondamentales à long terme des entreprises du secteur de l’énergie demeurent incertaines si les prix des produits de base demeurent aussi bas, nous croyons que l’excellent profil de liquidités de certaines entreprises rendent leurs obligations à court terme plus attrayantes parce qu’elles ont été injustement pénalisées par le repli généralisé de ce secteur d’activité, malgré la forte probabilité qu’elles remboursent leur dette en dépit des bas prix du pétrole. Il est difficile de toujours prévoir avec précision l’évolution des prix des produits de base, mais on peut facilement évaluer les liquidités à court terme des entreprises. Bien qu’elle soit extrêmement prudente dans cette conjoncture très volatile, Invesco Fixed Income continue de chercher des occasions de placement uniques qui recèlent un bon potentiel de rendement ajusté au risque et de prioriser la préservation du capital pendant cette période sans précédent pour le secteur américain de l’énergie.
Impact sur le secteur de la consommation
Depuis plus d’une décennie, l’expansion économique intérieure des États-Unis repose sur les épaules des consommateurs américains. Le taux d’emploi élevé, les bas taux d’intérêt et les baisses d’impôts ont fait grimper la confiance des consommateurs à des niveaux records et entraîné de fortes dépenses de consommation. Les données démographiques sont également favorables car les millénariaux suivent désormais le même chemin que les générations qui les ont précédées : ils achètent des maisons et fondent des familles. Toutefois, la tendance à long terme est menacée, car l’incertitude entourant le coronavirus touche plusieurs facettes des dépenses de consommation. Ce n’est pas tant la capacité des consommateurs américains à dépenser qui est en cause, comme leur volonté, puisque le pays est confronté à une période d’incertitude. Invesco Fixed Income a cru bon de vous faire part de son point de vue sur les principaux secteurs de dépenses de consommation :
Voyages (transporteurs aériens, établissements hôteliers, exploitants de maisons de jeux, croisiéristes et agences de voyages en ligne) – Les Américains adorent voyager et ils en ont les moyens. Nous croyons que les projets de voyages seront modifiés ou reportés, plutôt que carrément annulés, et que les gens éviteront les voyages en groupe en faveur des destinations moins courues par les foules. À notre avis, les parcs d’attractions, les comédies musicales (New York) et les événements sportifs vont écoper au profit des plages, des parcs nationaux et des réunions de famille. Nous pensons que les consommateurs ont assez d’argent pour composer avec une stagnation modérée de l’activité, mais des décotes des agences d’évaluation du crédit sont à prévoir.
Commerce de détail – Les tendances en matière de dépenses sont demeurées intactes, mais on constate une augmentation des dépenses pour « stocker » des articles essentiels tels que l’eau, les désinfectants, etc. Les magasins à un dollar, les magasins à rabais, les détaillants de pièces d’automobiles, les entrepôts, les chaînes d’épiceries et les autres fournisseurs d’articles de première nécessité devraient enregistrer une légère hausse ou baisse des ventes, selon le cas. Nous entrevoyons une diminution de l’achalandage dans les boutiques de vêtements, mais une augmentation marquée des achats en ligne, parce que les consommateurs qui seront coincés à la maison vont continuer de magasiner en ligne.
Restaurants et loisirs – Nous croyons que ce secteur d’activité sera moins durement touché que celui des voyages, mais plus que celui du commerce de détail. Les restaurants qui servent uniquement des repas en salle à manger souffriront probablement beaucoup plus de la situation que ceux qui offrent des options de livraison ou de service au volant. Environ 60 % des cafés Starbucks, par exemple, étaient fermés au plus fort de l’épidémie en Chine, mais la plupart ont rouvert; moins de 10 % demeurent fermés.
Les réactions des marchés ont été très variables dans le secteur de la consommation comparativement à l’indice Bloomberg Barclays U.S. Aggregate Bond, dont l’écart de taux a augmenté de 80 points de base par rapport au mois précédent.4 Les restaurants et les détaillants ont affiché des rendements à peu près conformes à ceux des marchés, mais les commerces de loisirs ont accusé un retard appréciable, alors que l’écart de taux de certains titres par rapport aux obligations à 10 ans a augmenté de 550 ou de 250 points de base en un mois.4
La position de liquidité des banques est solide
Au lendemain de la crise financière de 2008, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire a élaboré un nouvel ensemble de normes de conformité bancaires mondiales qui a considérablement renforcé la liquidité et le capital des banques. Les banques sont désormais soumises à des exigences de liquidité plus strictes, telles que le ratio de liquidité à court terme (LCR), qui établit les liquidités minimales dont les banques doivent disposer en cas de ruée sur les banques ou de difficultés de refinancement des obligations à court terme dans des conditions économiques ou financières extrêmes, comme ce fut le cas lors de la crise financière mondiale de 2008. Le LCR exige que les banques disposent d’un encours suffisant d’actifs liquides de haute qualité (HQLA) pour couvrir les sorties de dépôts en cas de crise économique pendant une période de 30 jours. Les banques doivent également se conformer à des exigences de réserves de fonds propres plus strictes, notamment au ratio de levier financier des réserves de fonds propres de catégorie 1 de Bâle III, c’est-à-dire le ratio des réserves de fonds propres (capitaux propres et réserves divulguées) de catégorie 1 par rapport aux actifs consolidés. Ce ratio prend en considération les engagements hors bilan, y compris les marges de crédit, dans le calcul des actifs consolidés, ce qui signifie que les banques détiennent déjà suffisamment de fonds propres de catégorie 1 pour couvrir ces engagements et ne manqueront pas de capitaux.
Impact sur la liquidité des marchés
Malgré la solidité du système financier, les fortes fluctuations des cours et la volatilité accrue des marchés ont un impact sur la liquidité des marchés obligataires. L’écart acheteur-vendeur (la différence entre le cours auquel vous pouvez acheter un titre et celui auquel vous pouvez le vendre) a augmenté et les liquidités des obligations adossées à des créances liquides sont parfois difficiles à trouver. Par contre, les volumes des transactions demeurent élevés et les marchés continuent de fonctionner. Jeudi, la Fed a annoncé des facilités destinées à éviter que ce choc de nature fondamentale ne provoque l’éclatement d’une crise de liquidités. Nous sommes persuadés que les banques centrales vont continuer de soutenir la liquidité des marchés, mais leurs interventions ne peuvent pas avoir un impact direct sur la cause de cette correction boursière et auront probablement un effet limité sur l’évolution de la situation.
Rédigé en collaboration avec Bixby Stewart, analyste principal – Énergie; Ray Janssen, analyste principal – Consommation; et Matt Bubriski, analyste principal – Liquidités des banques, Invesco Fixed Income.