La courbe des taux des bons du Trésor américain, plus précisément l’écart entre les taux des bons du Trésor américain à 10 et à 2 ans, s’est brièvement inversée le matin du 14 août. En début d’après-midi, l’écart de taux était d’environ 1 à 2 points de base. Cette brève inversion est survenue après d’autres inversions plus tôt cette année entre les taux à court terme (comme le taux des fonds fédéraux et celui des bons du Trésor à 3 mois) et le taux de référence à 10 ans.
Le marché boursier s’est immédiatement replié car les investisseurs ont craint une récession imminente; de tous les indicateurs macroéconomiques, le marché obligataire s’est bien comporté plus souvent qu’à son tour. Cependant, une inversion de la courbe des taux qui a duré un certain temps (pas seulement un avant-midi!) a précédé sept des neuf dernières récessions.1 Et, pendant ces sept périodes, l’économie américaine est tombée en récession en moyenne 22 mois après l’inversion.1 Fait à noter, les actions, représentées par l’indice S&P 500, ont obtenu des rendements positifs, en moyenne, dans les douze mois qui ont suivi l’inversion de la courbe des taux.1
Comment voyons-nous la situation?
Nous voulons mettre en garde les investisseurs de ne pas présumer que cette brève inversion de la courbe des taux va nécessairement mener à une récession. Les cycles économiques prennent habituellement fin en raison d’erreurs de politique monétaire. Dans la plupart des cas, l’erreur provient de la Réserve fédérale américaine (Fed) qui a relevé trop rapidement les taux d’intérêt à court terme pour diminuer les pressions inflationnistes ou freiner les excès, ou les deux. Fait important, les récessions sont souvent précédées d’une hausse des taux des fonds fédéraux au-dessus de celui des bons du Trésor à 10 ans par le Federal Open Market Committee, non pas d’une chute du taux à 10 ans en deçà du taux à 2 ans après que la Fed a mis fin à son cycle de resserrement.
Il serait peut-être plus constructif de comparer cette situation à ce qui est survenu au milieu des années 80 et 90. Au milieu des années 90, la courbe des taux s’est brièvement inversée et la Fed a répliqué en laissant les taux à peu près inchangés pendant les quatre années qui ont suivi. Cette année, la Fed a déjà abaissé ses taux d’intérêt pour commencer à faire contrepoids aux hausses de taux/erreurs de politique monétaire potentielles de 2018.
Cette fois-ci, les taux à long terme ont brièvement chuté en deçà de ceux des bons du Trésor à 2 ans parce que l’incertitude persistante suscitée par le différend commercial entre les États-Unis et la Chine mine la confiance des investisseurs et freine les dépenses d’investissement des entreprises. Fait à noter, le protectionnisme, en soi, a toujours nui à l’efficacité économique, mais pas nécessairement au point de provoquer des récessions. C’est plutôt l’incertitude entourant l’orientation des relations commerciales qui paralyse les investissements. Bref, les entreprises ont du mal à planifier parce que les règles du jeu ne sont pas clairement définies.
Le graphique 1 montre la faible croissance des investissements des entreprises, représentée par les commandes de biens d’équipement, alors que la confiance des entreprises vacille.
Graphique 1 : La confiance des cadres supérieurs est en baisse, mais elle n’a pas atteint le creux de 2016
Graphique 2 : Les commandes de biens d’équipement affichent une croissance négative, ce qui laisse présager que la production va continuer de diminuer
Quelles sont les retombées sur les placements?
En règle générale, les replis boursiers sont provoqués par l’incertitude à l’égard de la politique monétaire. À court terme, nous croyons que les obligations à plus longue échéance, les stratégies à plus faible volatilité et les secteurs à caractère plus défensif pourraient surclasser les autres catégories d’actifs.
Éventuellement, nous croyons que si les marchés se replient davantage, les autorités américaines interviendront pour contrer les effets du différend commercial qui sévit en ce moment. À notre avis, les probabilités que les États-Unis remportent la guerre commerciale contre la Chine sont très minces et nous espérons qu’ils vont s’en apercevoir. Cela pourrait inciter l’Administration Trump à capituler pour éviter de causer plus de dommages à l’économie, quitte à se contenter d’un accord comportant des concessions mineures de la Chine. On s’attend aussi à ce que la Fed réagisse en conséquence en procédant à d’autres baisses de taux d’intérêt et en adoptant d’autres mesures d’assouplissement quantitatif.
Dans ce contexte, nous croyons que les probabilités de récession ont augmenté, mais notre scénario de référence demeure celui d’une conjoncture de ralentissement de la croissance accompagnée d’une politique monétaire somme toute accommodante à l’échelle mondiale. Habituellement, ce contexte est favorable aux entreprises de croissance séculaire et aux titres de créance. Qui plus est, on note que, jusqu’ici, le marché américain des titres de créance se porte bien et que le dollar américain ne s’est pas fortement apprécié. Ces deux éléments sont favorables aux investisseurs et nous croyons que la volatilité va probablement créer de bonnes occasions de placement pour les investisseurs sélectifs et perspicaces.
1 Bloomberg L.P., 14 août 2019. Les récessions sont définies par le National Bureau of Economic Research (NBER).