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Kristina Hooper | 20 juillet 2021

La réouverture de l’économie américaine entraîne des pressions inflationnistes et la COVID-19 nuit aux marchés

La réouverture de l’économie américaine après la pandémie a créé une explosion colossale d’inflation, mais Kristina Hooper dit que cela est temporaire. Découvrez pourquoi.

Je viens de rentrer, la semaine dernière, d’un voyage dans le Sud et le Midwest des États-Unis avec ma fille et son équipe de basket-ball. J’ai passé du temps dans plusieurs villes où avait lieu le tournoi et j’ai été tristement frappée par la lenteur de la réouverture de l’économie dans ces villes.

En me promenant, j’ai vu un certain nombre de devantures de commerces vides parce que le magasin ou le restaurant avait fermé ses portes à cause de la pandémie. J’ai vu un cinéma qui avait fermé ses portes en mars 2020, une épaisse couche de poussière recouvrant des seaux de pop-corn en carton, un peu comme les cendres de Pompéi (pardonnez mon emportement, mais ce sont des scènes déchirantes).

C’est là un exemple des « cicatrices économiques » dont le président du conseil de la Réserve fédérale américaine (Fed), Jay Powell, a parlé. Et on peut observer ces cicatrices dans de nombreux pays aux quatre coins du monde. La situation aurait pu être bien pire si d’importantes mesures de relance budgétaires n’avaient pas été adoptées, mais il y a quand même eu des victimes.

Ces cicatrices économiques peuvent contribuer aux pressions inflationnistes. Par exemple, comme certains restaurants ont fermé leurs portes, il y a moins de restaurants en activité. Par conséquent, faire des réservations pour le souper de l’équipe de basket-ball est devenu une tâche herculéenne. Lorsque nous avons eu la chance de trouver des tables dans un restaurant, nous avons découvert que le coût des repas était beaucoup plus élevé qu’il y a deux ans, lors du dernier tournoi.

Bien sûr, l’une des principales causes de la hausse des prix est que les restaurants et les magasins ont du mal à trouver de la main-d’œuvre, comme en témoignent les panneaux « nous embauchons » affichés par les commerçants désespérés dans d’innombrables villes et villages des États-Unis. Il faudra un certain temps à l’économie pour s’adapter et surmonter ces bouleversements économiques.

Cela m’amène à vous parler de l’indice des prix à la consommation (IPC) américain publié la semaine dernière. Il était plus élevé que prévu et la nouvelle a été accueillie avec inquiétude par de nombreux experts et stratèges. Je ne peux pas dire que j’ai été terriblement surprise. Nous traversons un épisode incroyablement unique dans l’histoire économique et je crois qu’il vaut mieux éviter de faire des prédictions sur des données telles que l’inflation.

Je persiste à croire que la majeure partie de la hausse de l’inflation à laquelle nous assistons est temporaire. En termes simples, l’inflation survient lorsque trop d’argent chasse trop peu de biens et services. La réouverture de l’économie dans l’après-pandémie est un événement extraordinaire qui a provoqué une explosion colossale d’inflation, mais comme la pandémie elle-même, je m’attends à ce que cette explosion d’inflation soit temporaire.

Par exemple, les véhicules d’occasion sont l’un des principaux leviers de cet IPC plus élevé que prévu. Les prix plus élevés des véhicules d’occasion découlent de la conjoncture post-pandémique dans laquelle nous nous trouvons. Ils sont fonction d’effets de base, comme le fait que beaucoup moins de véhicules d’occasion se sont vendus à pareille date l’année dernière, et de la difficulté à acheter des véhicules neufs en raison des perturbations de la chaîne d’approvisionnement, mais aussi de changements dans les choix de mode de transport, compte tenu des problèmes de santé qui perdurent (entre autres, les gens préfèrent éviter les transports en commun).

Mais la réaction de beaucoup d’investisseurs, comme en témoigne l’évolution du taux des bons du Trésor américain à dix ans, n’a pas été de faire monter les taux à plus long terme parce qu’ils s’attendent à une hausse du taux d’inflation. Au contraire, la courbe des taux s’est aplatie, étant donné que les investisseurs ont immédiatement supposé que la Fed relèverait les taux plus rapidement et que cela freinerait la croissance économique.

Cependant, je ne crois pas que les données sur l’inflation permettent de s’attendre à ce que la Fed accélère la hausse des taux. L’année dernière, la Fed a adopté une nouvelle politique de ciblage de l’inflation et je crois vraiment qu’il s’agit d’un changement de paradigme. En termes simples, il semble que la Fed sera plus tolérante face au dépassement de la cible d’inflation.1 N’oublions pas que la Fed a un double mandat : il ne s’agit pas seulement de maintenir la stabilité des prix, mais aussi d’atteindre le plein emploi. Or, comme les données l’indiquent, nous sommes encore loin du plein emploi. Enfin, on craint de plus en plus que la propagation du variant Delta de la COVID-19 ralentisse la reprise économique mondiale; il faut savoir que s’il a un impact négatif sur l’économie américaine, cela risque fort de repousser l’échéancier de resserrement de la Fed.

Parlant de nouvelle politique monétaire, la Banque centrale européenne (BCE) vient de terminer une analyse exhaustive de sa politique monétaire et a pris la décision de modifier sa politique monétaire pour la première fois en près de 20 ans.

La BCE a réitéré que le cadrage prospectif, l’assouplissement quantitatif et les options de refinancement à long terme ciblées (TLTRO) demeurent des outils d’intervention monétaire. Elle s’est également dotée d’un plan d’action pour le climat visant à garantir le soutien de la responsabilité environnementale et la lutte contre les changements climatiques au moyen d’outils de politique monétaire. Par exemple, la BCE entend rajuster « le cadre de répartition des achats d’obligations de sociétés pour y intégrer des critères de changements climatiques, conformément à son mandat. »2

Ce qui est le plus intéressant en ce moment, c’est que la BCE semble suivre les traces de la Fed en se montrant plus flexible sur le dépassement de la cible d’inflation, pourvu qu’il soit modéré et temporaire (mais la politique de la BCE est une version édulcorée de celle de la Fed). Cela signifie que la BCE devrait soutenir l’économie de la zone euro plus longtemps en cas de crise économique, plutôt que d’agir de manière préventive pour freiner l’inflation et courir le risque d’un resserrement prématuré qui jugulerait la reprise.

Pour ce qui est de la reprise en cours, nous croyons que cela signifie que la BCE suivra le rebond de l’inflation et poursuivra ses achats d’actifs et ses taux négatifs pendant quelques mois encore. Ce serait très différent des décisions qu’elle a prises lors de la crise financière mondiale de 2008 et de la crise de la zone euro de 2010. Les deux fois, elle a relevé les taux en réaction aux premiers signes d’inflation, ce qui a probablement accentué chacun des ralentissements plus que nécessaire.

Nous nous attendons à ce que ce changement d’attitude de la BCE se traduise par une plus grande confiance des marchés, le maintien des écarts des titres d’États souverains et le soutien des actifs à risque tout au long du redressement de l’économie. Il sera intéressant de voir comment la BCE mettra en œuvre ce changement de politique, ce qu’elle expliquera lors de la réunion de cette semaine.

Enfin, je crois qu’il est important de s’attaquer au repli des marchés boursiers mondiaux en cours. Le taux des bons du Trésor américain à dix ans a considérablement chuté en raison du « sentiment d’aversion pour le risque » qui a envahi les marchés mondiaux. Comme je l’ai déjà dit, il ne faudrait pas se surprendre si les actions finissaient par subir des pertes. Je m’y attends, car cela fait longtemps que nous n’avons pas assisté à un repli marqué. Je ne serais pas étonnée s’il y en avait un maintenant que la nervosité entourant la COVID-19 a refait surface en raison de la propagation du variant Delta et parce que la Fed s’apprête à amorcer la normalisation de sa politique monétaire et doit procéder à une annonce concernant le retrait graduel des mesures de relance monétaires sous peu.

Cela étant dit, il n’y a pas de quoi paniquer; d’ailleurs, aucun des scénarios de risque extrême dont j’ai fait mention dans nos perspectives de mi-année ne s’est concrétisé. Je crois que le marché haussier est loin d’être terminé il ne fait que reprendre son souffle. Restez calmes, continuez de diversifier votre portefeuille et, si vous avez de l’argent à investir, cherchez de bonnes occasions de placement.

Rédigé en collaboration avec Arnab Das, stratège des marchés mondiaux, EMOA.

1 Selon la Banque de réserve fédérale de Cleveland, membre du Federal Open Market Committee (FOMC), un programme de ciblage flexible du taux d’inflation moyen vise à atteindre une cible d’inflation de 2 %, en moyenne au fil du temps. Cette nouvelle approche prévoit que si le taux d’inflation demeure inférieur à la cible, le FOMC visera probablement à atteindre un taux d’inflation légèrement supérieur à la cible pendant un certain temps pour ramener la moyenne à 2 %.

2 Banque centrale européenne, « La Banque centrale européenne présente un plan d’action visant à inscrire les questions liées aux changements climatiques dans sa stratégie de politique monétaire », 8 juillet 2021

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Certaines références se rapportent aux États-Unis et peuvent ne pas s’appliquer au Canada.

L'indice des prix à la consommation (IPC) mesure la variation des prix à la consommation et est compilé par le US Bureau of Labor Statistics. L’indice général des prix à la consommation exclut les prix des aliments et de l’énergie.

La courbe des taux illustre les taux d’intérêt, à un moment précis, de différentes obligations ayant la même cote de solvabilité, mais différentes dates d’échéance et sert à projeter les variations des taux d’intérêt et l’évolution de l’activité économique.

L’effet de base est l’impact que le choix d’une base de comparaison ou de référence peut avoir sur le résultat de la comparaison des données.

L’assouplissement quantitatif (AQ) est une politique monétaire utilisée par les banques centrales pour relancer l’économie lorsque la politique monétaire normale s’avère inefficace.

L’aversion au risque fait référence à une variation des cours motivée par un changement de tolérance au risque; les investisseurs se tournent vers des placements moins risqués lorsqu’ils perçoivent le degré de risque comme étant élevé.

La diversification ne garantit pas un profit et n’élimine pas le risque de perte.

Les opinions exprimées ci-dessus sont celles de l’auteure au 19 juillet 2021. Ces commentaires ne doivent pas être interprétés comme des recommandations, mais comme une illustration des grands thèmes. Les énoncés prospectifs ne sont pas garants du rendement futur. Ils comportent des risques et des incertitudes et sont fondés sur des hypothèses; nous ne pouvons pas vous garantir que les résultats réels ne différeront pas considérablement de nos attentes.