Blogue Invesco Canada

Perspectives, commentaire et expertise de placement

Kristina Hooper | 18 juin 2018

Le commerce occupe l’avant-scène tandis que les alliances de longue date deviennent tendues

Je vous parle du thème des perturbations depuis plus d’un an. La réunion tumultueuse du G7 de la semaine dernière et la réunion clé de la Réserve fédérale américaine (Fed) de cette semaine illustrent précisément ce pourquoi ce sujet reste l’une de mes principales préoccupations.

La semaine dernière, tous les regards étaient rivés sur la réunion du G7. Certains y ont fait référence comme étant un « G6 + 1 », mais c’est peut-être trop généreux. Compte tenu de l’issue de cette réunion, il serait peut-être plus juste de parler de « G6 contre 1 ». Le sommet a débuté et s’est terminé sur un ton acrimonieux. Avant d’arriver au sommet, le président américain Donald Trump a suggéré que la Russie soit réadmise au sein du groupe, ce que de nombreux membres ont trouvé offensant, étant donné que la Russie n’a pas fait marche arrière dans le dossier de l’annexion de la Crimée (la raison de son expulsion) et qu’elle fait désormais l’objet de critiques pour ses prétendues tentatives d’ingérence électorale dans divers pays occidentaux. Il est difficile d’oublier l’accusation véhémente de la première ministre britannique Theresa May selon laquelle la Russie tentait de saper les institutions occidentales et de « menacer l’ordre international ». (On ne peut que supposer qu’elle considérerait le rétablissement du G8, qui inclurait la Russie, comme un élément qui perturberait encore davantage l’ordre international.) Après avoir quitté le sommet, M. Trump a refusé de signer le communiqué traditionnel qui est émis à la fin de chaque sommet et a prononcé des mots particulièrement durs à l’endroit du premier ministre canadien, Justin Trudeau. Le sommet a été marqué par un début et une fin inhabituels, mais cela ne devrait plus surprendre : les perturbations engendrent des perturbations.

Comme prévu, l’une des principales sources d’acrimonie à la réunion du G7 a été le commerce. Au risque de me répéter, je crois que les tarifs douaniers constituent une préoccupation majeure. Non seulement les guerres tarifaires ont de fortes chances d’avoir des répercussions négatives, mais il me semble de plus en plus probable que nous assistions à une guerre tarifaire et j’en suis encore plus convaincue que la plupart des économistes et des stratèges. Ce qui m’inquiète, c’est non seulement les tarifs qui font augmenter les coûts des intrants, mais aussi l’incertitude en matière de politique économique provoquée par les tensions commerciales. Comme je l’ai déjà dit, pareille incertitude a toujours entraîné une diminution des investissements des entreprises et je crois que c’est ce qui se produit une fois de plus.

Les tensions commerciales du G7 signalent un changement possible d’alliances

Ma crainte à l’égard de la réunion du G7 de la semaine dernière va au-delà de la possibilité de guerres tarifaires. Ces tensions témoignent d’un enjeu plus large, à savoir l’évolution des alliances, dont je m’inquiète depuis près de deux ans déjà. En particulier, en imposant des tarifs douaniers à ses proches alliés, sous prétexte de vouloir enrayer toute menace à la sécurité nationale, les États-Unis courent le risque de se les mettre à dos et d’éprouver des difficultés lorsque des enjeux de politique étrangère et de sécurité vont survenir et que les États-Unis auront besoin de l’aide de leurs alliés. Rappelez-vous de l’énorme soutien dont ont bénéficié les États-Unis lorsqu’ils ont envahi l’Afghanistan à la suite des attentats terroristes du 11 septembre; le Royaume-Uni s’est empressé de soutenir les États-Unis et d’envoyer des troupes en Afghanistan, après quoi le Canada, l’Australie, l’Allemagne et d’autres nations lui ont emboîté le pas. Il convient également de noter que dans un discours de novembre 2017, la première ministre britannique, Theresa May, a averti la Russie que « le Royaume-Uni fera le nécessaire pour se protéger et nous travaillerons en collaboration avec nos alliés pour qu’ils en fassent autant ». Or, les développements récents remettent en question les alliés sur lesquels le Royaume-Uni peut vraiment compter et avec lesquels elle peut partager des renseignements et auxquels elle pourrait cacher certains renseignements secrets.

Souvent, les perturbations peuvent avoir des retombées positives; on n’a qu’à penser aux résultats bénéfiques qui peuvent surgir d’un processus de destruction créatrice. Or, dans le cas présent, je crains que les changements d’alliances politiques ne soient plus négatifs que positifs et qu’ils aient des répercussions sur de nombreux enjeux allant des interventions militaires à la lutte contre le terrorisme, en passant par la cybersécurité. Cependant, comme pour les tarifs, les retombées sur ces enjeux sont difficiles à quantifier parce que nous ignorons comment la situation va tourner; il y a encore tellement de scénarios possibles à ce stade-ci.

Les perturbations peuvent également avoir des retombées positives

En ce qui concerne l’Italie, même si je trouve que ses dirigeants peuvent provoquer des perturbations négatives en matière de politique étrangère en raison de leurs relations plus étroites avec la Russie, je persiste à croire qu’elle ne quittera pas l’Union européenne (UE). La semaine dernière, le nouveau premier ministre italien, Giuseppe Conte, a présenté une vision de l’Italie et de ses relations avec l’UE qui nécessite une réforme des règles d’immigration et un allègement de l’énorme fardeau de la dette, mais sans austérité. À mon avis, ces objectifs ne sont pas déraisonnables et je crois que l’Italie sera en mesure de parvenir à un compromis satisfaisant pour les deux parties avec l’UE. Il appartient aux deux parties de faire leur part. De mon point de vue, c’est une situation où les perturbations géopolitiques pourraient avoir des retombées positives.

Je suis tellement optimiste que j’ai même espoir que les perturbations géopolitiques liées aux négociations entre les États-Unis et la Corée du Nord pourraient donner des résultats positifs. La réunion entre les États-Unis et la Corée du Nord à Singapour cette semaine est certainement un événement unique qui pourrait avoir des retombées positives à plus long terme.

Les banques centrales provoquent elles aussi des perturbations

Je ne m’intéresse pas uniquement aux perturbations géopolitiques; je surveille également les perturbations issues des politiques monétaires des banques centrales, qui ont exercé un pouvoir incroyable sur les marchés et l’économie pendant une décennie et qui continuent d’exercer une influence considérable.

L’un des événements les plus importants à l’ordre du jour cette semaine est la réunion de juin du Federal Open Market Committee (FOMC) aux États-Unis. Le procès-verbal de la réunion de mai du FOMC a révélé l’inquiétude de certains membres du comité à l’égard de la possibilité d’une courbe de taux inversée. Cela soulève des questions à savoir ce que la Fed va faire après le mois de juin, puisqu’une hausse de taux en juin semble être un fait accompli. L’énoncé et en particulier les dot plots de la réunion de juin nous donneront probablement des indices importants. Je m’attends à ce que la Fed relève de nouveau les taux en septembre, mais je doute qu’elle procède à une quatrième hausse de taux cette année.

Cela a un lien avec les préoccupations entourant le potentiel d’une inversion de la courbe de taux. Je pense que la Fed pourrait envisager d’accélérer la normalisation du bilan, plutôt que de procéder à une autre hausse de taux cette année si elle juge qu’elle doit resserrer davantage les conditions de crédit, ce qui pourrait contribuer à contrer l’aplatissement de la courbe de taux. Cependant, cela pourrait également exercer des pressions à la baisse sur les cours boursiers et poser des problèmes aux pays des marchés émergents (ME), dont certains subissent déjà d’énormes pressions. Ces préoccupations ont été exprimées par Urjit Patel, gouverneur de la Banque de réserve de l’Inde, dans un contre-éditorial publié dans le Financial Times. Ce contre-éditorial était une lettre ouverte à la Fed dans laquelle on pouvait lire que la normalisation du bilan se fait conjointement avec l’augmentation de l’émission de titres de créance américains, ce qui a pour effet de réduire la liquidité mondiale et exerce des pressions sur les pays des ME dont la dette est libellée en dollars américains. Je soutiens depuis longtemps que le bilan de la Fed est une arme beaucoup plus puissante que le taux des fonds fédéraux et la situation actuelle dans les marchés émergents pourrait amener le FOMC à agir en partant de ce principe.

La Banque centrale européenne (BCE) se réunit elle aussi cette semaine. Alors que la plupart des observateurs s’attendent à ce que la Fed mette bientôt un terme au retrait graduel des mesures de relance monétaire, je suis de ceux qui croient que la BCE va poursuivre le retrait de ses mesures de relance car elle entend soutenir les marchés financiers aux prises avec les inquiétudes soulevées par le nouveau gouvernement italien et son engagement envers l’UE. Cela pourrait faire contrepoids à la normalisation du bilan de la Fed et aux émissions de titres de créance du gouvernement américain et améliorer les conditions de liquidité mondiales. La Banque du Japon va elle aussi se réunir cette semaine, mais on ne s’attend à aucune surprise de ce côté, car la banque centrale doit maintenir une politique monétaire accommodante et elle peut s’offrir ce luxe, étant donné que le taux d’inflation est nettement inférieur à sa cible.

Certains marchés émergents subissent des pressions, tandis que d’autres recèlent encore un certain potentiel

Comme on pouvait s’y attendre, à la lumière des pressions exercées sur les pays des ME dont je viens tout juste de parler, certaines actions des ME ont subi des pressions, particulièrement au Brésil, où les marchés boursiers ont essuyé des pertes considérables la semaine dernière. À mon avis, ces pressions ne constituent pas une raison valable pour abandonner les actions des ME, il suffit simplement de se montrer plus sélectifs dans le choix des pays et la sélection des titres. Par exemple, certains pays des ME pourraient bénéficier de la hausse des prix du pétrole et semblent déjà abolir certaines mesures d’austérité. Il est essentiel de rester vigilant en matière de protection contre le risque de perte et de bien diversifier l’actif de son portefeuille; pour la plupart des portefeuilles de placement, une grande diversification comprend une exposition aux marchés émergents, quoique plus sélective.

Abonnez-vous au blogue d’Invesco Canada et recevez les survols des marchés de Kristina dans votre boîte de réception.

Autres blogues de Kristina Hooper

La Réserve fédérale américaine procède à un resserrement plus marqué pour effectuer un « atterrissage en douceur »
16 juin 2022

Les marchés concluent que la Réserve fédérale américaine a besoin d’un « plus gros bateau »
14 juin 2022

L’économie mondiale : Supermalade ou super étrange?
7 juin 2022

Une reprise boursière pourrait-elle durer?
2 juin 2022

Observations d’ours : ce que les marchés baissiers pourraient signifier pour les investisseurs
25 mai 2022

Est-ce que tout se déroule comme prévu?
18 mai 2022

Les marchés peinent à s’adapter à l’incertitude entourant la Fed
10 mai 2022

À la recherche d’un « verre à moitié plein » après des mois difficiles sur les marchés
4 mai 2022

La croissance mondiale, les élections françaises et la Réserve fédérale américaine
27 avril 2022

FAQ sur les marchés : inflation, politique monétaire, bénéfices et plus encore
21 avril 2022

Les « bonnes nouvelles » que je vois sur les marchés aujourd’hui
13 avril 2022

Indicateurs clés à surveiller en avril
12 avril 2022

FAQ sur les marchés : la courbe des taux, l’inflation, la volatilité des marchés boursiers et plus encore
7 avril 2022

La Fed ne mâche pas ses mots, mais passera-t-elle de la parole aux actes?
23 mars 2022

Une hausse de taux de la Réserve fédérale américaine et quoi ensuite
16 mars 2022

La crise russo-ukrainienne : les questions que les investisseurs se posent sur le pétrole, les risques de récession, etc.
8 mars 2022

Évaluation de l’impact des sanctions économiques imposées à la Russie
1 mars 2022

Répercussions de la crise russo-ukrainienne sur l’économie et les catégories d’actifs
23 février 2022

L’inflation et la géopolitique augmentent la pression sur les marchés
15 février 2022

L’Europe fait écho au durcissement de ton de la Réserve fédérale américaine
9 février 2022

S'abonner au blogue

Abonnez-vous pour recevoir des courriels d’Invesco Canada Ltée au sujet de ce blogue. Pour vous désabonner, veuillez nous envoyer un courriel à blog@invesco.ca ou communiquez avec nous.

Renseignements importants

La courbe de taux illustre les taux d'intérêt, à un moment précis, de différentes obligations ayant la même cote de solvabilité, mais différentes dates d’échéance et sert à projeter les variations des taux d'intérêt et l’évolution de l'activité économique.

Une courbe de taux inversée fait référence à une situation où, à cote de solvabilité égale, les obligations à long terme ont un rendement inférieur à celui des obligations à court terme.

Les « dot plots » de la Réserve fédérale désignent un graphique que la banque centrale utilise pour illustrer ses perspectives de la trajectoire des taux d'intérêt.

Les risques d’investir dans des titres d’émetteurs étrangers, y compris ceux des marchés émergents, peuvent inclure la fluctuation des devises étrangères, l’instabilité politique et économique et les problèmes liés à l’imposition étrangère.

La diversification ne garantit pas un profit et n’élimine pas le risque de perte.

À moins d’indication contraire, toutes les données proviennent d’Invesco.