Il y a un mois dans ce blogue, j’ai fait remarquer qu’avril serait un mois déterminant pour évaluer les interventions mondiales en réaction à la pandémie de COVID-19. Partout, l’intervention a été massive, incluant des mesures considérables de relance monétaires et budgétaires de la part de nombreuses économies et le confinement généralisé visant à ralentir la cadence du nombre de cas d’infection. Or, en ce début de mai, nous constatons des différences d’approche entre les pays, les villes et les partis politiques.
Comment savoir quelles approches sont efficaces pour endiguer la cadence du nombre de cas d’infection et permettre aux gens de retourner au travail? En examinant les données. Voici quelques-uns des enjeux clés que nous allons surveiller en mai :
- Taux d’infection. Certains pays européens ont commencé à assouplir les mesures de confinement et certains États américains ont également commencé à relâcher les restrictions. La crainte, évidemment, est qu’une deuxième vague d’infection puisse survenir, d’autant plus qu’un certain nombre d’États relâchent les restrictions contrairement aux directives de la Maison-Blanche, qui stipulent qu’il faut attendre 14 jours consécutifs de baisse du taux d’infection avant d’amorcer un déconfinement. Par conséquent, nous allons surveiller de très près les taux d’infection et les signes de résurgence. S’il n’y a pas de deuxième vague, cela incitera certainement d’autres pays et d’autres États américains à ouvrir plus de pans de leur économie. Cependant, s’il y a une deuxième vague, les restrictions devront peut-être être réinstaurées, ce qui prolongerait la période précédant la réaccélération de l’activité économique.
- Bénéfices des sociétés. Nous sommes au beau milieu de la période de déclaration des bénéfices, 55 % des entreprises inscrites à l’indice S&P 500 ont déclaré des bénéfices et 45 % ne l’ont pas encore fait.1 Qui plus est, pendant la majeure partie du premier trimestre, l’activité a été relativement normale avant que la pandémie ne se propage de plus belle. Par conséquent, de mon point de vue, la partie la plus importante de cette période de déclaration des bénéfices est celle des résultats prévisionnels, or, rares sont les entreprises qui ont dévoilé des résultats prévisionnels. FactSet Research a révélé que, des 122 entreprises qui avaient déclaré des bénéfices au 24 avril, seulement 50 (41 %) ont divulgué leurs bénéfices prévisionnels pour 2020. De ces 50 entreprises, 30 ont affirmé avoir retiré ou avoir l’intention de retirer leurs prévisions de bénéfices par action pour l’année 2020 en raison de « l’incertitude des retombées futures de la COVID-19 ». Seulement 20 entreprises avaient émis des bénéfices prévisionnels pour l’année : de ce nombre, dix les ont révisés à la baisse, six ont maintenu leurs prévisions antérieures et quatre les ont révisés à la hausse. Bien que peu d’entreprises aient dévoilé elles-mêmes leurs résultats prévisionnels, les analystes ont révisé en forte baisse les estimations de bénéfices du deuxième trimestre. Il s’agit de la plus forte révision à la baisse des bénéfices prévisionnels trimestriels faite par des analystes au cours du premier mois d’un trimestre depuis que FactSet a commencé à compiler ces statistiques en 2002. Il serait utile que davantage d’entreprises nous fassent part de leurs résultats prévisionnels – ou de l’absence de résultats prévisionnels – pendant cette crise, même si ces résultats reposent sur une variété de scénarios possibles qui dépendent des politiques monétaires, budgétaires et sanitaires et de l’évolution de la pandémie.
- Rapport d’avril sur l’emploi aux États-Unis. Ce rapport ne sera pas beau à voir : d’après Barron’s, les estimations consensuelles font état d’un taux de chômage de 16 % et de la perte de 21 millions d’emplois non agricoles. Et la réalité pourrait être bien pire encore. Les investisseurs doivent s’attendre à un rapport choquant et ne devraient pas être surpris; il ne faut pas oublier qu’il y a eu une chute énorme de l’activité économique en un très court laps de temps, c’est pour ça que les pertes d’emploi seront considérables. Ce qui importe plus que le nombre d’emplois, c’est ce que font les décideurs pour maintenir la solvabilité des travailleurs.
- Négociations sur la phase 4 du plan de relance budgétaire des États-Unis. Alors que l’encre de la phase 3.5 du plan de relance budgétaire adoptée il y a tout juste deux semaines est à peine sèche, je crois que les États-Unis auront besoin d’un autre plan de relance budgétaire sous peu, particulièrement un qui s’adresse aux États et aux administrations locales et qui offre plus de soutien aux petites entreprises. Cela ne se fera pas sans discussions sérieuses, toutefois, compte tenu de la suggestion du chef de la majorité au Sénat, Mitch McConnell, qui dit que les États devraient peut-être tout simplement déclarer faillite ou du moins ne devraient pas s’attendre à un chèque visant à corriger les « erreurs financières » non liées à la pandémie. Je crois qu’un manque de soutien économique pour les États pourrait s’avérer désastreux et ne faire qu’amplifier le repli actuel, vu qu’ensemble, les États et les administrations locales emploient énormément de gens. Je soupçonne que nous assisterons à des débats houleux sur ce sujet, mais je pense qu’ultimement, le Congrès va adopter un autre projet de loi de relance qui donnera du soutien aux États, aux administrations locales et aux petites entreprises, ainsi qu’à d’autres entités.
- Résurgence possible de la guerre tarifaire entre les États-Unis et la Chine. Les États-Unis blâment de plus en plus ouvertement la Chine pour la pandémie. Jeudi dernier, le président Donald Trump a menacé d’imposer de nouveaux tarifs douaniers à la Chine en guise de représailles. Le lendemain, le conseiller économique de la Maison-Blanche, Larry Kudlow, a aussi laissé entendre qu’il pourrait y avoir des représailles quelconques. Nous allons suivre cette situation de près car de nouveaux tarifs douaniers exerceraient plus de pressions sur les États-Unis et sur l’économie mondiale; la simple menace de tarifs douaniers pourrait avoir des retombées considérables sur les marchés boursiers, comme on a pu le constater ces derniers jours. Au cours des six dernières semaines, les marchés boursiers ont été dissociés de l’économie grâce aux mesures de relance monétaires et budgétaires, mais cela pourrait changer advenant une résurgence de la guerre tarifaire.
- Négociations sur le Brexit. Oui, malgré la pandémie, les négociations sur le Brexit se poursuivent. Si aucun accord n’est conclu d’ici la fin de 2020, les relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’Union européenne seront dictées par les règles de l’Organisation mondiale du commerce. Ce serait dommage, surtout pour le Royaume-Uni, et cela porterait un dur coup à une économie déjà éprouvée par la contagion du nouveau coronavirus. Nous allons surveiller la situation de très près également. La COVID-19 est une excellente raison de prolonger les négociations au-delà de la fin de 2020.
- Statistiques. Nous allons surveiller plusieurs rapports de statistiques économiques clés le mois prochain, notamment :
- Ventes au détail aux États-Unis (avril)
- Production industrielle aux États-Unis (avril)
- Ventes au détail en Chine (avril)
- Indice de confiance des consommateurs compilé par l’Université du Michigan (données préliminaires)
- Indice ZEW des marchés financiers – confiance des consommateurs (mai)
- Ventes au détail au Royaume-Uni (avril)
- Indice composé PMI IHS Markit de la zone euro (mai – données préliminaires)
- Indice de confiance des entreprises de la zone euro (mai)
- Indice de confiance des consommateurs de la zone euro (mai)
- Indice de confiance des consommateurs américains
- Rapport sur les biens durables aux États-Unis (avril)
Ces statistiques économiques vont nous aiguiller sur la situation des différentes économies, à savoir si elles ont atteint le creux, pour la plupart d’entre elles, et où en est la reprise, dans le cas de la Chine.
Je pense que la question que les clients me posent le plus souvent porte sur la forme de la reprise économique, à savoir si on peut s’attendre à une reprise rapide en V, ou si l’économie va tourner au ralenti pendant encore longtemps. Comme je l’ai dit souvent, je persiste à croire que la forme de la reprise économique sera dictée par les trois volets politiques : sanitaire, budgétaire et monétaire. Nous avons été témoins de mesures impressionnantes dans chaque catégorie jusqu’à présent, mais il y a encore du chemin à faire et les différences d’approche tracent la voie à suivre. Je m’attends à ce que le mois de mai nous éclaire davantage sur ce qui fonctionne et ce qui doit être repensé, ce qui va nous donner une meilleure idée de la forme que prendra la reprise.