La semaine dernière, la nouvelle politique de taux d’inflation cible de la Réserve fédérale américaine (Fed), les nouvelles d’un changement à la tête du Japon, la baisse de la confiance des consommateurs américains et la montée des cas de COVID-19 ont fait la une des journaux. Quelles sont les retombées de ces événements pour les investisseurs?
1. Allocution de M. Powell à Jackson Hole
Le président du conseil de la Fed, Jay Powell, a annoncé une nouvelle politique de taux d’inflation cible qui permet au taux d’inflation de dépasser « modérément » la cible de 2 % pendant « un certain temps ». Autrement dit, la Fed autorise un « dépassement » de son taux d’inflation cible. Ce qu’il faut savoir, c’est que cette nouvelle politique est assortie d’une cible d’emploi asymétrique : la Fed adoptera une politique plus accommodante si le taux d’emploi est inférieur aux estimations en temps réel du « taux d’emploi maximal », mais ne la resserrera pas s’il dépasse le « taux d’emploi maximal », pourvu qu’il n’y ait aucun signe alarmant de hausse du taux d’inflation. Comme l’a clairement indiqué M. Powell dans son allocution à Jackson Hole : « Il est difficile de surestimer les avantages de maintenir un marché du travail en santé… ».1
Cela a d’énormes retombées sur le concept économique appelé courbe de Phillips, qui stipule qu’une hausse du taux d’inflation est associée à une baisse du chômage et vice versa. Depuis longtemps, beaucoup se demandent si la courbe de Phillips est morte. La semaine dernière, la Fed a répondu par l’affirmative, du moins elle croit que c’est ce que l’histoire récente a démontré. Dans son allocution, M. Powell a déclaré ceci : «… le marché du travail plus dynamique que jamais n’a pas provoqué de hausse significative du taux d’inflation »1 et c’est la raison qui justifie cette nouvelle politique. Si l’on se fie à l’expérience récente, la Fed ne pense clairement pas qu’il y a une forte corrélation entre le taux de chômage et le taux d’inflation.
Je dirais que M. Powell emprunte « le chemin inverse de M. Volcker ». L’ex-président du conseil de la Fed, Paul Volcker, en poste de 1979 à 1987, a déclaré la guerre à l’inflation et a pris des mesures draconiennes pour contrôler l’inflation en augmentant considérablement les taux d’intérêt. (J’en sais quelque chose, je me souviens du taux hypothécaire que mes parents payaient en 1982.) Aujourd’hui, M. Powell déclare la guerre au bas taux d’inflation qui perdure et est disposé à augmenter le seuil de tolérance de la Fed. Cela accroît les probabilités d’une hausse du taux d’inflation, mais est loin de la garantir.
À mon avis, il y a deux éléments importants à retenir de son allocution. Premièrement, le taux des fonds fédéraux devrait rester près de zéro pendant plusieurs années encore. Cela pourrait jouer en faveur des actifs à risque. Deuxièmement, les investisseurs vont probablement commencer à se préoccuper de l’inflation. Je m’attends à ce que les catégories d’actifs protégés contre l’inflation, y compris l’or, les titres du Trésor protégés contre l’inflation (TIPS) et peut-être d’autres produits de base, gagnent en popularité. Mais, à mon avis, les grands gagnants seront probablement les actions, en particulier les plus cycliques, qui, selon moi, bénéficieront des taux plus bas, tant que l’inflation n’augmentera pas trop.
2. Changement de chef d’État au Japon
La semaine dernière, le premier ministre japonais, Shinzo Abe, a annoncé sa démission pour des raisons de santé. Cela ne devrait pas être une surprise totale, car M. Abe a démissionné de son premier mandat de premier ministre en 2007 pour ces mêmes raisons de santé. Cependant, je pense que son départ soulève des inquiétudes légitimes quant à l’avenir du pays, parce que son mandat a été positif pour le Japon : il est le premier ministre qui a été en poste le plus longtemps de l’histoire du Japon et a été une source de continuité après de nombreuses années au cours desquelles le cabinet du premier ministre était une véritable porte tournante.
Étant donné que quiconque remplacera M. Abe devra se faire réélire l’an prochain, un facteur à considérer dans le choix de son remplaçant est sa capacité à se faire élire. Il semble qu’il y ait trois principaux candidats aptes à finir le mandat de M. Abe : Yoshihide Suga, secrétaire en chef du cabinet; Fumio Kishida, président du Conseil de recherche politique du PLD; et Shigeru Ishiba, ex-ministre de la revitalisation régionale.2
Les trois poursuivraient probablement les mêmes grands objectifs politiques de l’ère Abe (les « trois flèches »), mais M. Ishiba accorderait davantage d’importance à combler les inégalités de revenu. Bien que leurs politiques puissent rester les mêmes, la question est de savoir si le successeur de M. Abe parviendra à rester au pouvoir comme M. Abe. Quoi qu’il advienne, nous ne croyons pas que cela aura un impact significatif à court terme sur les investisseurs.
3. Consommateurs américains
L’indice de confiance des consommateurs de l’Université du Michigan pour le mois d’août montre une légère amélioration, mais l’indice de confiance des consommateurs du Conference Board a chuté à son plus bas depuis le début de la pandémie. Cela signifie que les consommateurs sont réellement préoccupés par l’avenir de l’économie. Ce pessimisme accru se reflète dans les dépenses de consommation aux États-Unis, qui ont diminué en juillet, après avoir augmenté en juin, ce qui laisse présumer que les consommateurs sont un peu plus sous pression. Je ne suis pas étonnée, puisque le virus s’est propagé en juillet aux États-Unis et que les prestations d’assurance-chômage supplémentaires arrivaient à terme.
À mon avis, cela ne devrait pas avoir d’incidence sur les investisseurs. La Fed a clairement indiqué qu’elle maintiendrait une politique très accommodante pendant un certain temps encore, ce qui devrait soutenir les actifs à risque et entretiendrait la déconnexion entre la bourse et l’économie, du moins pour le moment.
4. Nombre de cas d’infection à la COVID-19
On observe des pics de cas d’infection dans le monde, notamment en Espagne, en France et en Corée du Sud. Cependant, il semble que les responsables de la santé publique s’attaquent à la situation, particulièrement en Corée du Sud. La courbe s’est aplatie aux États-Unis et l’augmentation du nombre de cas d’infection dans certains États, comme l’Iowa et l’Alabama, semble être au moins partiellement attribuable à l’ouverture des collèges et des universités. Nous allons suivre de près la rentrée, au gré de l’ouverture des collèges, des universités et des écoles. J’espère que la COVID-19 sera somme toute reléguée au second plan pendant un mois ou deux, jusqu’au début de la saison de la grippe, chose certaine, nous surveillerons de près les taux d’infection étant donné la corrélation entre le nombre de cas d’infection et la confiance des consommateurs.
Pour ce qui est de l’impact sur les investisseurs, il me semble peu probable que cela ait des répercussions sur les actions. Les cours boursiers ont remonté malgré la hausse du taux d’inflation, car la politique monétaire a eu une influence beaucoup plus forte sur les marchés.
Voici les événements à surveiller
Cette semaine s’annonce relativement calme. Les statistiques dignes de mention sont les ventes au détail de la zone euro et le rapport sur l’emploi aux États-Unis pour le mois d’août. Les ventes au détail de la zone euro devraient continuer de s’améliorer, mais l’augmentation du nombre de cas d’infection dans certains pays européens pourrait ralentir la progression. En ce qui a trait au rapport sur l’emploi aux États-Unis, il faut se rappeler que la nouvelle politique de taux d’inflation cible de la Fed pourrait avoir une incidence sur la manière dont le marché va recevoir cette nouvelle. Normalement, un bon rapport sur l’emploi fait craindre un resserrement de la politique monétaire de la Fed afin de lutter de manière proactive contre l’inflation et la surchauffe de l’économie. Cette préoccupation a disparu, du moins pour le moment, compte tenu de la nouvelle politique de la Fed.