Boussole hebdomadaire des marchés : Qu’est-ce que le retrait graduel des achats d’actifs de la Fed a en commun avec le comprimé antiviral contre la COVID? Pour Kristina Hooper, ce sont deux signes que nous sommes sur le chemin du retour à la normale.
La semaine dernière, plusieurs événements se sont produits qui viennent confirmer mon opinion, à savoir que nous nous dirigeons définitivement vers un retour à une situation normale, qui ressemble davantage à la réalité prépandémique.
Le retrait graduel des achats d’actifs de la Fed commence enfin
Tout d’abord, à la suite de sa réunion de la semaine dernière, la Réserve fédérale américaine (Fed) a annoncé qu’elle commencerait enfin à réduire ses achats d’actifs ce mois-ci. La Fed commence par une diminution relativement faible, soit 15 milliards de dollars sur 120 milliards de dollars d’achats mensuels1, mais elle se dit flexible et disposée à accélérer le processus. Comme l’a expliqué le président du conseil de la Fed, Jay Powell, la politique monétaire va s’adapter à l’évolution de la situation économique. À mon avis, il est fort probable que le retrait graduel des achats d’actifs s’accélère, car je m’attends à ce que la croissance économique du quatrième trimestre soit beaucoup plus forte que celle du troisième trimestre, avant de ralentir en 2022 pour revenir à un taux de croissance plus normal. La politique de la Fed est encore extrêmement accommodante et loin d’être normale, mais le retour à la normale est entamé.
Bonne nouvelle concernant l’emploi aux États-Unis
De plus, le rapport sur le marché de l’emploi aux États-Unis pour le mois d’octobre a été rendu public. Le nombre d’emplois non agricoles a augmenté de 531 000, dépassant largement les attentes.2 Une forte proportion de la création d’emploi provient du secteur des loisirs et de l’hôtellerie, ce qui est logique étant donné que l’industrie a connu une hémorragie pendant la pandémie. C’est un autre signe que la situation aux États-Unis revient graduellement à la normale; c’est d’ailleurs ce que nous a confirmé l’indice PMI du secteur tertiaire du Institute for Supply Management pour le mois d’octobre, qui a bondi à 66,7 points, ce qui est beaucoup plus élevé que prévu.3
De plus, les données sur les emplois non agricoles pour septembre et août ont été révisés à la hausse et atteignent désormais des pointages plus reluisants, avec des gains moyens sur trois mois largement supérieurs à 400 000 emplois par mois.2 C’est impressionnant, compte tenu des vents contraires liés à la COVID qui ont nui à l’économie américaine en août et en septembre. Le taux de chômage est passé de 4,8 % à 4,6 % (à titre de référence, le plus bas taux de chômage avant la pandémie était de 3,5 %).2
Tout l’été, j’attendais avec impatience le rapport sur l’emploi pour octobre, car j’étais persuadée qu’il serait le plus « normal » depuis le début de la pandémie, vu que les enfants seraient de retour à l’école en personne à l’échelle nationale et que les prestations d’assurance-chômage bonifiées prendraient fin dans les États qui ne les avaient pas encore abolies.
Même si j’étais heureuse de voir la croissance de l’emploi, j’ai été déçue par le taux de participation de la population active, qui reste bien en deçà des seuils d’avant la pandémie, mais j’ai espoir que la situation va s’améliorer au cours des prochains mois.
Une nouvelle percée dans la lutte contre la COVID
Les États-Unis font de nouvelles percées dans leur lutte contre la COVID-19. Les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis ont approuvé le vaccin de Pfizer-BioNTech contre la COVID-19 pour les enfants âgés de 5 à 11 ans. De nombreuses familles avec de jeunes enfants attendaient ce moment avec impatience, car elles considèrent cela comme le début du retour à la normale.
Fait à noter, un certain nombre de mes amis qui ont des enfants dans ce groupe d’âge m’ont dit qu’ils sont impatients de faire vacciner leurs enfants et de revenir immédiatement à un mode de vie qui ressemble davantage à la réalité prépandémique, en particulier de pouvoir partir en vacances en famille, tradition importante dont ils ont choisi de se priver pendant près de deux ans.
De plus, Pfizer a fait une annonce très encourageante la semaine dernière qui devrait être une bonne nouvelle pour le monde entier, pas seulement pour les États-Unis. Elle a mis au point un comprimé qui, lors des essais cliniques, a montré qu’il réduit considérablement les hospitalisations et les décès chez les patients atteints de la COVID-19. Pfizer a déclaré que les résultats ont montré une « efficacité impressionnante » et qu’elle prévoit soumettre les résultats aux autorités réglementaires américaines dans les plus brefs délais afin d’obtenir une autorisation d’urgence. Cela fait suite à une annonce récente de Merck, qui dit avoir élaboré un médicament pour lutter contre la COVID-19. Cependant, le degré d’efficacité déclaré du médicament de Pfizer est beaucoup plus élevé.
Selon moi, cela va réellement « changer la donne » et aider le monde à reprendre le chemin du retour à la normale sans que les chefs d’État n’aient à se soucier des taux de vaccination. Jusqu’ici, les autorités locales ont souvent eu à recourir à des mesures de confinement et à des protocoles très stricts lorsque les hôpitaux étaient submergés de patients atteints de la COVID. Si ces traitements venaient à prévenir ce genre de situation, cela permettrait une réouverture complète des économies.
Point de vue mondial
L’Europe est également sur le chemin du retour à la normale, mais elle tire de l’arrière par rapport aux États-Unis. Elle a été touchée par des pénuries et par une augmentation substantielle du nombre de cas de COVID‑19 au cours des six dernières semaines, comme en témoignent les indices PMI pour octobre. Les pays asiatiques ont eux aussi subi des pénuries provoquées par les perturbations des chaînes d’approvisionnement et les éclosions de COVID. La Chine a également été confrontée à des vents contraires en raison des pénuries d’électricité. En revanche, certains pays connaissent une belle reprise de l’activité économique; le nombre de cas de COVID au Japon a diminué depuis septembre et ses indices PMI pour octobre reflètent cette amélioration. Le principal élément à retenir est que les avancées médicales aideront le monde entier, mais tous les pays n’y auront pas accès immédiatement, si bien que le retour à la normale ne se fera pas au même rythme partout sur la planète.
Conclusion
Bref, j’ai confiance que le monde soit sur le chemin du retour à la normale, mais cela ne veut pas dire que le trajet sera court ni direct ou que nous ne ferons pas quelques détours en cours de route. Les problèmes de chaînes d’approvisionnement et d’inflation auront probablement un impact majeur dans les mois à venir, en particulier aux États-Unis, mais je considère cela comme un obstacle inévitable, compte tenu de ce que le monde a traversé au cours des deux dernières années. Une fois l’incendie maîtrisé, il faut réparer les dégâts causés par la fumée et l’eau une fois les flammes éteintes. Dans l’ensemble, je crois que l’économie mondiale se porte mieux qu’il y a un an et qu’elle évolue dans la bonne direction.
1 Source : Réserve fédérale américaine, 3 novembre 2021
2 Source : Bureau of Labor Statistics, 5 novembre 2021
3 Source : Institute for Supply Management, 3 novembre 2021